Sécurité au travail
Publié le 1 juin 2023

“Mets ton casque, n’oublie pas tes lunettes”… Ces injonctions qui ne fonctionnent plus en sécurité

Exemple d'un équipement de protection individuel (EPI): le casque de chantier.

80 % des accidents du travail sont provoqués par des erreurs humaines. Il est donc fondamental de les identifier et de les éviter. S’appuyer sur la seule sécurité réglée n’est pas suffisant. La sécurité au travail doit évoluer vers un modèle plus participatif et valoriser les collaborateurs pour réduire le risque d’accident. Pour cela, l’approche dite de “sécurité gérée” incite les employés à avoir une meilleure compréhension des risques et à ajuster leurs comportements. Découverte en 5 points clés.

“Mets ton casque, n’oublie pas tes lunettes…” Ces conseils traditionnels sont bien connus des travailleurs évoluant sur les chantiers, les sites industriels ou les entrepôts logistiques. Pourtant, leur efficacité n’est pas si évidente. En effet, si un collaborateur n’a pas conscience de la situation dans laquelle il se trouve au moment de l’action, il s’expose d’autant plus au risque de commettre des erreurs. Et l’une des plus communes est l’erreur de routine. Elle représente 80 % des erreurs humaines à l’origine des accidents du travail. Soyons clairs : dans la majorité des cas, il ne s’agit pas d’une faute intentionnelle, mais d’une erreur. Comme par exemple l’oubli du port d’un EPI (Équipement de protection individuelle). L’approche dite de “sécurité gérée” peut aider le salarié à éviter ce type d’erreurs, en prenant conscience par lui-même des risques et en adoptant les mesures pour les éviter. “Cette méthode investit tous les champs qui vont bien au-delà des risques métier, à savoir : les risques qui pèsent sur l’individu lui-même, les risques inhérents à l’équipe, les risques liés à l’environnement, ou au contexte particulier de la situation, précise Laurent Jarnoux, cofondateur de la société de formation et de conseil MINDLY Safe Working. Dans le monde de l’aviation, c’est au moment du briefing que ces risques et contre-mesures sont identifiés. Les contre-mesures vont activer certaines des techniques comportementales comme : le temps d’arrêt, le partage des tâches, la communication sécurisée.”

Vous souhaitez mieux comprendre l’approche MINDLY de sécurité gérée ? Voici 5 points clés pour que vos opérationnels (re)deviennent les acteurs de leur sécurité.

1. Prendre conscience du risque

L’approche traditionnelle de la sécurité “réglée” dicte généralement au collaborateur une liste de règles et procédures à respecter scrupuleusement. À l’inverse, la sécurité gérée – que MINDLY concrétise par la pratique de techniques comportementales inspirées des neurosciences – fait prendre conscience à l’opérationnel de la situation dans laquelle il va être amené à évoluer. Il ne convient donc plus de lui intimer l’ordre de prendre son casque, mais plutôt de l’aider à mesurer le risque et ainsi l’inciter à se protéger naturellement avec l’équipement adapté. “Je visite souvent des chantiers ou des sites de production. Je suis souvent frappé par ces salles de repos dont les murs sont tapissés de réglementation ou de consignes de sécurité que plus personne ne lit. Ce type d’approche est voué à l’échec. Oublier une consigne dans une longue liste de règles à suivre est vite arrivé. Il est donc préférable d’aider l’opérationnel à prendre, en conscience, les bonnes décisions pour sa sécurité”, rappelle Laurent Jarnoux. Une prise de conscience qui concerne d’ailleurs également sa propre physiologie (fatigue, déconcentration…).

2. Se préparer mentalement aux imprévus

À l’image d’un pilote d’avion avant de décoller, le collaborateur devra – avant de commencer sa mission – s’être préparé mentalement à adopter la bonne réaction face à un imprévu. Lors d’une circonstance imprévue, un opérationnel n’a en effet pas forcément le temps d’analyser toutes les informations pour réagir convenablement. Sa réaction sera plus adaptée s’il “s’entraîne” en amont lors d’exercices de simulation. “L’approche est similaire à celle d’un voltigeur qui va répéter au sol des figures avant de les reproduire dans les airs, explique Laurent Jarnoux. Il s’agit d’activer sa mémoire de travail pour qu’au moment de l’action, on réagisse vite et bien en limitant ainsi le risque d’erreur. C’est ce qu’on appelle la préparation mentale.”

3. Adopter la communication sécurisée

La sécurité gérée ne peut pas être uniquement ciblée sur les comportements du collaborateur. Elle englobe également son rapport aux autres. Et notamment sa capacité à communiquer efficacement avec les autres membres de son équipe. C’est la seule façon d’éliminer les incompréhensions entre collègues qui peuvent avoir des conséquences dramatiques sur la sécurité. “Sur le terrain, la communication orale est cruciale pour s’assurer que les informations et consignes ont été correctement comprises et appliquées. C’est d’ailleurs ce qui se passe dans un cockpit entre un pilote et son copilote, mais aussi dans leurs échanges avec le contrôle aérien et les autres aéronefs” précise Laurent Jarnoux. La communication devient alors collaboration : chacun exerce un contrôle bienveillant sur le travail de l’autre pour éviter les erreurs.” Ce contrôle ne doit pas être vu négativement. C’est au contraire une méthode qui doit permettre d’assurer la sécurité de tous. Et notamment lors de l’intégration d’un nouveau collaborateur (intérimaire, recrues…) qui ne dispose pas du même niveau d’expérience ou de connaissance.

4. Participer à des débriefings réguliers

Dans la lignée de la communication sécurisée, l’organisation de débriefings réguliers est un élément majeur pour que la sécurité gérée progresse. Même en cas de succès d’une mission, l’échange au sein de l’équipe doit permettre de revenir sur la chaîne des événements et notamment sur toutes les erreurs commises pour en comprendre les causes. “C’est la succession d’erreurs qui amène à l’accident. Il est donc important de n’en survoler aucune et d’en parler librement. Malheureusement, cette approche est encore assez peu commune en entreprise. Les collaborateurs craignent de s’auto-dénoncer et d’être pénalisés. On confond encore trop souvent la faute avec l’erreur.” L’organisation de débriefings réguliers, ouverts et sereins doit permettre de libérer la parole pour traiter les erreurs en profondeur et construire des parades pour les éviter les fois suivantes. 

5. Dédramatiser l’erreur

Si l’approche de sécurité gérée cible notamment les opérationnels sur le terrain, elle impose aussi aux managers – et plus particulièrement aux middle managers – de changer leur état d’esprit. Objectif ? En finir avec une approche paternaliste et/ou autoritaire des sujets de sécurité pour s’inscrire, au contraire, dans une plus grande valorisation des individus. Première étape : il faut dédramatiser l’erreur. À condition de distinguer celle-ci de la faute. La faute est une transgression à la règle. Elle est par nature volontaire. L’erreur ne l’est pas. Comprendre cette distinction, c’est accepter que l’erreur est normale. Elle n’est alors plus un tabou et devient au contraire un moyen de progresser en libérant la parole. “Dès lors qu’on confond l’erreur avec la faute, plus personne n’ose s’exprimer. Dans ces conditions, les salariés ne peuvent devenir acteurs, car ils ont peur d’être sanctionnés. Il faut plutôt responsabiliser les employés en leur donnant la parole et en leur faisant confiance.” conclut Laurent Jarnoux. Autrement dit : pousser les collaborateurs à devenir acteurs de leur sécurité.

Transport aérien, l’exemple à suivre!

Depuis plus de 20 ans, les pilotes d’avion sont formés à des techniques et des méthodes pour adapter leur comportement face à n’importe quelle situation, qu’elle soit habituelle ou imprévue. C’est grâce à ce travail que le secteur aérien est aussi sûr. Malgré une augmentation drastique du trafic ces dernières années (x 10 en 50 ans), le nombre d’accidents est quasiment nul dans le secteur.

La preuve par les chiffres. En 2017 (l’année la plus sûre de toute l’histoire de l’aviation), seulement 10 accidents mortels (pour 44 morts) ont été recensés dans le monde entier. Au total, on ne constate en moyenne qu’1 accident mortel sur 3 millions de vols. Autrement dit, la probabilité de mourir dans un crash aérien (avion de ligne) est quasiment nulle. Le secteur du transport aérien se positionne ainsi comme le moins risqué avec celui de l’énergie nucléaire. De quoi inspirer d’autres secteurs comme la construction ou l’industrie dans lesquels la fréquence des accidents est bien loin d’être comparable.